



Affaire Séphora : nous nageons en pleine « sociale-fiction »

La cour d’appel de Paris a en effet condamné Séphora à baisser le rideau à 21h au lieu de minuit ou d’une heure du matin. Et si Séphora refuse cette décision, la sanction tombera : 80.000 euros par salarié en cas d’infraction. Bigre ! On ne plaisante pas. Mais quelle est la gravité des faits ? Pourquoi faut-il contraindre Séphora à limiter ses horaires d’ouverture ? Qu’est-ce qui motive un jugement aussi sévère ?
Pas facile de trouver des réponses acceptables à ces questions. Car rien ne vient justifier la décision de la cour d’appel de Paris, sauf à appliquer le principe de précaution sur le plan social. Le danger n’existe pas mais il le pourrait. Ce danger, quel est-il ? Que Séphora, d’une manière ou d’une autre, fasse pression sur ses salariés pour que ceux-ci travaillent tardivement. Séphora n’est pas coupable, mais pourrait l’être, dans l’absolu. Rien ne semble prouver que Séphora use de tels procédés… mais on ne peut préjuger de l’avenir. Bref, il fallait sévir pour prévenir, protéger les employés contre leur gré contre un employeur possiblement indélicat.
Nous nageons en pleine « sociale-fiction ». Cette histoire pourrait faire rire si elle n’était en fait profondément tragique. Car si d’un côté, Séphora peut s’asseoir sur les profits réalisés en soirée (l’enseigne du groupe LVMH s’en remettra certainement), cinquante personnes employées uniquement pour les nocturnes vont vraisemblablement se retrouver sur le carreau. Ce sont ces cinquante personnes qui se sont fortement mobilisées pour la défense de leur emploi, en passant notamment une pleine page de publicité dans le JDD. En vain. Ces salariés doivent une fière chandelle à l’intersyndicale qui vient, pour leur bien, de les condamner.
À l’heure où les feuilles d’impôt poussent plus vite que les déclarations d’embauche, à l’heure où les entreprises peinent à consolider leur marge, à une époque où le gouvernement exhorte les entreprises à coller toujours plus aux attentes des clients et où les syndicats ne sont plus représentatifs que d’eux-mêmes, cette décision est incompréhensible. Le CJD s’indigne de la suspicion qui pèse toujours et encore sur les entreprises de notre pays. Cette suspicion, avant de tuer les entreprises, tue l’emploi.